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Raphalumpur en Malaisie
26 janvier 2012

Coupure presse - Tony Fernandes

Petit article de Challenges sur Tony Fernandes, le directeur malaisien d'AirAsia, pour inspirer les businessmen de Malaisie ou d'ailleurs. Brilliant! Source ICI

 

Tony Fernandes, le Richard Branson asiatique


PORTRAIT- Sur terre comme au ciel, le Malaisien multiplie les affaires, même s'il arrête les liaisons d'AirAsia X avec l'Europe. Ses insolents succès rappellent ceux de son ami et modèle, un certain Richard Branson.

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Tony Fernandes est un veinard. Un verni, un aimant à dollars par centaines de millions, un tycoon malgré lui. Quand il postule pour un job d'expert-comptable chez Virgin Records, c'est le mythique patron lui-même, Richard Branson, qui lui fait passer l'entretien: "Un hasard, il passait par là." Quand il en a assez de l'industrie de la musique et veut lancer une compagnie aérienne, parce qu'il aimait regarder voler les avions lorsqu'il était pensionnaire dans un collège anglais, le Premier ministre malaisien lui conseille de récupérer AirAsia, petite compagnie publique surendettée, et la lui offre pour 1 ringgit (25 centimes d'euros): "Un hasard, un ami le connaissait." Aujourd'hui, AirAsia est la première low cost asiatique, et Tony Fernandes, dont la fortune est estimée à quelque 350 millions de dollars, est le patron de cinq autres compagnies aériennes.

Quand il ouvre une boîte de nuit à Londres, non seulement Madonna y vient régulièrement, mais entame aussi des discussions pour monter une chaîne mondiale de clubs de luxe: "Je la connaissais de mon passage dans la musique, j'ai juste eu de la chance qu'elle se souvienne de moi." Quand il entre au capital d'un club de football londonien, le Queens Park Rangers, le roi de l'acier Lakshmi Mittal, qui possède un tiers du capital, décide de revenir au conseil d'administration, qu'il boycottait auparavant. Oui, décidément, Tony Fernandes, patron superstar asiatique, a de la chance. Il avoue, du bout des lèvres et en regardant ailleurs, qu'il est peut-être aussi un peu têtu, "persistent". Tony Fernandes, ou l'histoire d'un homme qui sait forcer la chance de façon insolente.

Extravagant

Insolent, il l'est. Grossier, même, selon les standards européens. En février dernier, il y a juste un an, il négocie avec Airbus le plus gros contrat de l'histoire de l'aviation civile: un deal à 18,5 milliards de dollars pour 200 A 320 NEO, des avions moyen-courriers. Louis Gallois, président d'EADS, Tom Enders, président d'Airbus, et John Leahy, le mythique directeur commercial de l'avionneur, sont sur le pont. Rendez-vous est donné à Paris. Mais pas à une heure ouvrable, ni dans un restaurant un peu sélect autour d'un déjeuner ; pas non plus dans une suite de palace. Non, ce sera au Renard, un bar-karaoké dans le quartier du Marais, après minuit.

"Louis Gallois n'était jamais allé en boîte, vous imaginez? Il est resté deux heures", rigole encore Tony Fernandes. John Leahy doit danser avec une hôtesse d'AirAsia s'il veut voir le deal signé. Il renâcle, Tom Enders ordonne, il s'exécute. La soirée se finit au bar: "Leahy avait sa cravate nouée autour de la tête, on a signé ce contrat à 18,5 milliards, il a même renversé du champagne dessus! Ensuite, une de mes girls d'AirAsia a voulu embrasser le papier, et puis toutes l'ont fait." Seul le directeur financier de la compagnie râle à la vue du papier couvert de rouge à lèvres et de taches. "Il m'a dit: «Tu veux que je présente ça au conseil d'administration? Tu te fiches de moi?""

Fernandes jure que la soirée fut une vraie réussite : "J'adore m'amuser dans la vie, j'aime le fun. Et les gens d'Airbus, ils en ont eu aussi!" Renseignements pris, ce n'est pas vraiment le cas. Dans les couloirs de Blagnac, ce souvenir fait grimacer: l'humiliation, en particulier pour Leahy obligé de se déhancher, n'était pas loin. Mais le client est roi, et aucune critique ne filtre. On est loin des premières négociations entre l'avionneur européen et la low cost asiatique...

Méritant

A l'époque, en 2002, AirAsia est une minuscule compagnie surendettée, perdue au fond de la petite Malaisie, avec deux avions vieillissants, trois destinations et 200.000 passagers par an. Tony Fernandes l'a reprise officiellement le 8 septembre 2001, trois jours avant les attentats contre les Twin Towers à New York. Lui-même vient de démissionner de Time Warner, où il dirige l'Asie du Sud-Est. Il n'a ni expérience de l'aérien, ni connexion dans le secteur, ni fortune personnelle: son père est médecin, sa mère professeur de piano. Son seul atout, un diplôme de la London School of Economics.

En un mot comme en cent, auprès d'Airbus, sa crédibilité est nulle. Zéro! Noël Forgeard, à l'époque PDG d'Airbus, se souvient du scepticisme de ses troupes: "Ce n'était pas évident de faire confiance à une start-up, et j'ai eu du mal à convaincre le comité de direction Mais Tony Fernandes était enthousiaste. Sa personnalité m'avait plu, ainsi que sa façon de négocier, sans drame mais sans précipitation." Ces premières négociations se soldent en décembre 2004 par une commande de 40 A 320, et 40 autres en option. Loyal, Tony Fernandes reconnaît le mérite d'Airbus: "C'était une vraie décision d'entrepreneur. Ils m'ont fait confiance, et je ne l'ai pas oublié." Forgeard et ses équipes ont eu du flair. Car la flotte d'AirAsia est maintenant 100 % Airbus, avec 107 appareils en activité et 350 en commande. La compagnie, elle, est omniprésente en Asie, avec 33 millions de passagers en 2011, et 80 destinations dans 24 pays.

"C'est dingue, non? J'ai l'impression de vivre un conte de fées", expliquait Tony Fernandes en marge du colloque Nouveau Monde, à Bercy il y a quelques jours. Il profite de l'occasion pour demander au ministre de l'Industrie, Eric Besson, grand amateur de ballon rond, de lui trouver quelques bons joueurs pour son club des Queens Park Rangers. Très concentré à la tribune, il passe en fait toute la durée de la table ronde sur Twitter: "Tout le monde si sérieux ici. Ai même dû mettre une cravate!"

Deux modèles et un fidèle

Si la vie de Fernandes est un conte, alors il y a deux fées-marraines: Richard Branson et Stelios Haji-Ioannou, fondateur d'easyJet. Le premier, dont il est devenu l'ami durant son passage à Virgin, lui apprend comment décliner une marque et en devenir la promotion vivante et immédiatement reconnaissable. Quant au second, il en apprend l'existence lors d'un passage à Londres: Stelios parle à la télévision de sa compagnie. Le lendemain, Fernandes est à l'aéroport de Lutton pour voir comment les opérations sont organisées, et se convainc qu'il peut dupliquer le modèle d'easyJet pas seulement en Malaisie, mais dans tout le continent asiatique.

Un troisième homme va être décisif: Connor McCarthy, numéro deux de Ryanair jusqu'en 2000, avec qui il organise le quotidien d'AirAsia et élabore la stratégie à long terme de sa compagnie. Les comptes reviennent à l'équilibre en douze mois. L'équipe dirigeante est d'autant plus motivée que le précipice n'est pas loin: Fernandes a hypothéqué sa maison et part avec 500.000 dollars en tout et pour tout dans l'aventure. "Il n'y a pas de secret: quand on n'a pas d'argent, il faut maximiser les revenus et couper les coûts. Cash is king!".

Les salariés sont polyvalents - les pilotes font le ménage des avions s'il le faut -, les taxes sont minimales, les billets vendus sur Internet, rien n'est gratuit à bord: toutes les recettes du low cost sont appliquées à la lettre. Au siège de Kuala Lumpur aussi: "Personne n'a de bureau attitré, les salariés s'installent où ils veulent, ça les force à se parler. Et moi, je n'applique pas la politique de la porte ouverte, qui ne marche jamais. J'ai juste supprimé toutes les portes." En 2003, une fois les comptes d'AirAsia définitivement redressés, Tony Fernandes tanne littéralement le gouvernement pour obtenir l'ouverture du ciel entre la Malaisie et ses voisins. Il obtiendra satisfaction et lancera immédiatement des compagnies similaires à AirAsia en Thaïlande, en Indonésie, aux Philippines et au Vietnam.

Boulimie

En 2007, la vie du tycoon s'accélère encore: il lance AirAsia X, une low cost long-courrier, dont le rayon d'action dépasse l'Asie avec la liaison Londres-Kuala Lumpur. Le fidèle Branson prend 20% du capital. Puis, en février 2011, AirAsia X atterrit en fanfare à Paris. Tony Fernandes entre soudain dans le radar des Européens, même s'il vient de décider d'en sortir fin mars 2012, écoeuré par le montant des charges et des taxes à acquitter sur le continent: "En Europe, vous ne savez pas ce qu'est le low cost."

Cerise sur le gâteau, en août dernier, le gouvernement malaisien, inquiet de la mauvaise santé de la compagnie nationale Malaysia Airlines, directement menacée par la concurrence d'AirAsia, finit par convaincre Fernandes de prendre 20% des parts, en échange de 10% d'AirAsia et de 10% d'AirAsia X: "Il faut protéger Malaysia, explique l'homme d'affaires malaisien, le visage soudain grave. A AirAsia, nous savons comment diriger une compagnie aérienne. Je suppose que c'est pour cela que le gouvernement a fait appel à nous."

Continuant à suivre l'exemple de Richard et de Stelios, Tony Fernandes, via son holding Tune Group, s'est lancé à corps perdu dans la diversification: il détient ainsi les Tune Hotels, low cost bien sûr, ou encore les cartes de téléphone prépayées Tune Talk et des services financiers via Tune Money. En 2009, le Malaisien va encore plus loin avec Tune Sport, qui se paie l'écurie de Formule 1 Lotus et monte le premier championnat de basket professionnel de l'Asie du Sud-Est, l'Asean Basketball League. Tony Fernandes se porte aussi acquéreur du club de football londonien de West Ham en juin 2011. Raté, les actionnaires refusent de lui vendre leurs parts. C'est pour se consoler qu'il prendra le contrôle des Queens Park Rangers, Lakshmi Mittal restant minoritaire. Pour les mondanités, Fernandes a racheté Aura, club ultrasélect à Londres, dans Mayfair, où se presse la jet-set.

Les récompenses et les honneurs pleuvent. En 2010, le Malaisien est décoré, à la demande de Louis Gallois, de la Légion d'honneur à Paris, et Forbes le nomme "Businessman de l'année" pour l'Asie. L'an dernier, c'est la princesse Anne herself qui lui remet l'insigne de Commander of the Order of the British Empire à Buckingham, tandis que le magazine Nikkei Business le cite parmi les 100 hommes les plus puissants du Japon!

Cette démultiplication à l'échelle de la planète suscite l'attention et des inquiétudes. Le Financial Times n'en finit plus d'écrire sur la "défragmentation" du Malaisien, sur son manque de cohérence. Voilà qui énerve Tony Fernandes: "Je suis le patron d'AirAsia. Je dirige, quotidiennement, cette compagnie. J'ai également investi dans beaucoup d'autres activités, mais elles sont dirigées par d'autres que moi, des gens que j'ai nommés et en qui j'ai confiance." Encore une ressemblance avec la stratégie des patrons des groupes Virgin et Easy.

A force de saisir toutes les opportunités, Fernandes s'épuise. Globe-trotter poursuivi par la presse et par ses secrétaires qui ne savent plus comment gérer son agenda, l'homme, qui n'a pas lu un livre depuis dix ans et le lancement d'AirAsia, jure qu'il veut "se modérer un peu, se poser". Il souffre de ne pas voir ses deux enfants - "son lien le plus direct avec la réalité" - autant qu'il le voudrait. Il a décidé de faire un régime, trop de chocolat et de riz l'ont transformé, selon ses termes, en Jabba le Hutt, le monstre boursouflé de Star Wars. "En fait, je ne fais pas les choses avec modération: je vis trop, je mange trop, je travaille trop..." Avoir de la chance, c'est bien. Trop de chance, c'est dangereux.

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